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  • Bail commercial : opposabilité de la clause d’inventaire des charges

    Le preneur ne peut échapper à l’application de la clause sur l’inventaire des charges au motif que cet inventaire serait dispersé dans plusieurs clauses du bail et dans son annexe.

    Par un arrêt du 27 novembre 2024, la cour d’appel de Rouen a eu à répondre à deux questions à propos de l’inventaire des charges contenues dans un bail commercial auxquelles le preneur tentait d’échapper :

    • l’inventaire des charges peut-il être dispersées entre clauses du bail et une annexe du bail ?
    • quelle est la sanction en cas d’absence ou d’imprécision de l’état prévisionnel dans le bail ?

    La loi Pinel du 18 juin 2014 qui a modifié le régime des baux commerciaux, dont l’objectif affiché était de renforcer la transparence et la prévisibilité des charges prévoit que : « Tout contrat de location comporte un inventaire précis des catégories de charges liées à ce bail comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».

    Le texte de Loi a donc pour exigence le caractère limitatif de l’inventaire, et précise en outre qu’il doit porter sur les catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés au bail.

    Ni la notion d’annexe, ni la forme de l’inventaire ne figurent dans la loi alors que le projet de Loi qui avait été soumis à l’Assemblée Nationale le 21 août 2013 comportait cette exigence «qu’un inventaire des charges locatives revenant à chacune des parties soit annexé (sic) au bail »

    L’inventaire des charges peut-il être dispersées entre clauses du bail et une annexe du bail ?

    La société preneuse sollicitait de voir déclarées non écrites les stipulations du bail relatives aux travaux, dispersées entre articles du corps du bail et annexe, contestant la refacturation de coûts de travaux importants, et de condamner le bailleur à l’indemniser pour manquement à son obligation d’information sur les travaux prévisibles.

    Dans cette espèce, un article du bail intitulé « inventaire et répartition des charges communes entre le bailleur» comportait plusieurs paragraphes mais renvoyait à une annexe contenant une liste détaillée de travaux,

    L’article suivant contenait une énumération détaillée de travaux, notamment de restructuration, d’extension ou de rénovation lourde, portant sur les parties à usage collectif du centre commercial,

    Cette énumération n’était pas reprise dans l’annexe qui ne recensait que des coûts de travaux d’entretien et de réparations ponctuels.

    La société preneuse, qui invoquait l’existence d’un « principe de concentration des charges dans l’inventaire annexé », soutenait que seuls les travaux énumérés dans l’annexe étaient refacturables et que l’article en question du bail devait être réputé non écrit car ne respectant pas l’exigence d’un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, posée par l’article L. 145-40-2 du code de commerce.

    Subsidiairement, elle soutenait qu’une interprétation restrictive des clauses du bail imposait d’écarter la refacturation des travaux relatifs au centre commercial.

    La bailleresse soutenait quant à elle que la loi Pinel n’avait nullement imposé l’établissement de l’inventaire sous forme d’annexe et que les charges étaient bien « récapitulées dans un même document, à savoir le bail, dont les annexes font partie intégrante ».

    La cour d’appel a estimé devoir rejette les demandes et la motivation de la société preneuse aux motifs que :

    – le bail intègre les annexes,

    – rien n’empêche les parties de lister des catégories de charges dans un inventaire figurant en annexe et de lister également d’autres charges récupérables dans une clause du bail, « une telle disposition des termes contractuels n’étant pas prohibée et restant, au demeurant, claire et explicite ».

    Et qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer non écrit l’article en question du bail dans la mesure où les stipulations du bail étaient claires et détaillées et ne nécessitait aucune interprétation du contrat ni de recherche de la volonté des parties, en application des articles. L. 145-15, L. 145-40-2 et R. 145-35 du code de commerce.

    Quelle est la sanction en cas d’absence ou d’imprécision de l’état prévisionnel dans le bail ?

    La société preneuse reprochait au bailleur de ne l’avoir pas clairement informée lors de la conclusion du bail de certains travaux à venir en vue de la restructuration et de l’extension du centre commercial.

    Elle soutenait que le bailleur n’avait pas respecté son obligation d’information, sans contester que la refacturation qui lui avait été faîte était autorisée par le bail.

    Elle sollicitait que lui soient déclarés « inopposables » les travaux non déclarés, et qu’elle soit condamnée à réparer « ce manquement dolosif de contracter de bonne foi, considérant que ce défaut d’information intentionnel a été déterminant et a vicié son consentement donné au nouveau bail», sur le fondement de l’article 1116 du code civil (en sa version en vigueur à la date de conclusion du bail, antérieure à la réforme de 2016).

    Le bailleur soutenait qu’il n’avait pas connaissance de la réalisation future de travaux qui n’étaient pas encore définis par l’AFUL lors de la conclusion du bail et qu’il n’y avait dès lors pas eu d’intention dolosive de sa part ni absence d’information celle-ci n’étant pas encore connue par lui.

    Dans son arrêt, la cour d’appel a débouté la société preneuse de sa demande.

    Elle a rejeté sa demande d’inopposabilité considérant qu’elle était dépourvue de fondement légal, ainsi que le moyen tiré d’un dol par réticence, estimant qu’un « manquement à une obligation pré-contractuelle d’information ne peut suffire à caractériser » aux motifs que :

    • le bail avait bien énoncé le projet de restructuration et d’extension du centre commercial
    • le preneur avait déclaré que les montants et les coûts de travaux, susceptibles d’évolution, n’avaient pas prévalu dans sa décision de conclure,
    • dans la mesure où les travaux avaient été approuvés lors d’une assemblée générale de l’AFUL tenue aprèsla conclusion du bail, aucun manquement dolosif ne pouvait être reproché au bailleur.

     

    CA Rennes, 5e ch., 27 nov. 2024, n° RG 22/00385

     

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