Le statut de gérant, au sein d’une SARL, est quelque peu précaire, car il est soumis à une révocation pour juste motif. Cette notion n’est pas définie par la loi, et le juste motif est laissé à l’appréciation souveraine et casuistique des juges du fond. Toutefois, la révocation du dirigeant sans juste motif ou de façon abusive ouvre droit à des dommages-intérêts. Pour le reste, le régime est identique à la révocation ad nutum.
Néanmoins, une procédure doit être respectée pour révoquer son dirigeant, même pour juste motif, au sein d’une SARL. Aux termes de l’article L.225-23 du Code de commerce, le gérant doit être révoqué par vote de l’assemblée des associés, au sein de laquelle le principe du contradictoire doit être également respecté.
Par un arrêt récent du 24 mars 2015, la Cour d’appel de Paris vient définir les circonstances vexatoires dans lesquelles intervient une révocation d’un dirigeant de SARL.
Selon elle, les circonstances d’une telle révocation sont vexatoires lorsqu’il est demandé au dirigeant de remettre les moyens matériels d’accès à l’immeuble social et la carte bancaire à son nom, avant même la tenue de l’assemblée appelée à se prononcer sur sa révocation.
En l’espèce, deux courriels ont été envoyé à la gérante : un premier lui demandant de rapporter, au plus tard le jour de la réunion de l’assemblée ayant pour objet la révocation, les moyens matériels d’accès à l’immeuble social, ainsi que la carte bancaire à son nom ; un second qui l’invitait à assister à l’assemblée et à y présenter ses justifications.
Les juges du fond estiment que le second courriel invitant la gérante à assister à l’assemblée et à y présenter ses justifications, apparaît, aux vues des précautions de langage employées, de pure forme au regard du premier courriel adressé à la gérante. Selon eux, la décision de révocation avait été prise avant même que se tienne l’assemblée au cours de laquelle la gérante était invitée à présenter ses justifications.
Il résulte de ces faits, soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond, une rupture brutale du mandat social, intervenue dans des circonstances vexatoires justifiant la réparation du préjudice moral en découlant.
En statuant ainsi, la Cour d’appel décide que les conséquences de la révocation du dirigeant ne doivent intervenir qu’à partir du moment où le vote de l’assemblée générale a été arrêté, pour ne pas revêtir le caractère de rupture brutale du mandat social, intervenue dans des conditions vexatoires.
Le préjudice subi a été évalué à 10 000 €.
Adriana Chiche
CA Paris, ch. 5-8, 24 mars 2015, n° 14/04535