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  • Quel avenir pour le cne ?

    Par Véronique MENASCE-CHICHE,
    Le contrat nouvelle embauche, créé par l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, est un contrat de travail à durée indéterminée particulier, en ce qu’il peut être rompu par l’employeur dans les deux premières années de sa conclusion, sans que ce dernier ait à justifier d’un motif ni à mettre en œuvre une procédure.
    Le Conseil d’Etat a eu à connaître de la question de savoir si le délai de deux ans pendant lequel l’employeur peut rompre le contrat de travail avec un de ses salariés, sans qu’il ait à justifier d’un motif ni à mettre en œuvre une procédure, était un délai raisonnable.
    Le Conseil d’état a décidé dans un arrêt n° 283471 du 19 octobre 2005 que l’ordonnance créant le CNE au regard de la convention 158 de l’OIT était valable car la durée de deux ans qui autorise l’employeur à rompre le contrat de travail en l’absence de motif et de procédure de licenciement était d’une durée raisonnable.
    Toutefois, la 18 ème chambre de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 juillet 2007 n° 06-06992, en décide autrement.
    La Cour d’appel de Paris juge en effet ce délai de deux ans non raisonnable au sens de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail.
    La Cour d’appel de Paris considère que pendant deux ans le CNE prive le salarié de l’essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation qui lui impose de prouver l’abus de la rupture de son contrat, comparable à celle existant avant la loi du 13 juillet 1973.
    Selon elle, cette régression prive les salariés des garanties d’exercice de leur droit au travail.
    La Cour d’appel de Paris a en conséquence requalifié le CNE en CDI de droit commun et a condamné l’employeur à 20 000 euros de dommages intérêts notamment pour licenciement abusif.
    Dans un arrêt du 18 juin 2007, la Cour d’Appel de Bordeaux a jugé dans le même sens que la Cour d’Appel de Paris.
    Tout CNE peut donc aujourd’hui être invalidé à l’occasion d’un conflit prud’hommal, en tout cas dans le ressort des Cour d’appel de Paris et de Bordeaux.
    Si la Cour de Cassation déjà saisie entérinait ces décisions, le recours au CNE ne présenterait plus aucun intérêt pratique pour l’entreprise.
    Aussi est-il souhaitable en l’état actuel de ne plus embaucher sous ce statut.
    Dans l’attente et pour ce qui est des contrats en cours, même si le CNE n’est pas encore abrogé, et si tout salarié en CNE peut encore poursuivre son activité sous ce statut, il est encore possible de mettre fin de manière anticipée à la période de consolidation des deux ans.
    Si l’employeur doit se séparer du titulaire d’un CNE pendant la période de consolidation, il est recommandé qu’il respecte la procédure de licenciement classique, s’il ne veut pas s’exposer à la sanction des tribunaux, à savoir :
    – convocation à un entretien préalable,
    – entretien,
    – indication des motifs de licenciements.
    Le Conseil de prud’hommes ne pourra alors que constater l’absence de cause réelle et sérieuse avec les conséquences qui s’y attachent.
    Il y aura lieu toutefois d’adapter la procédure si le licenciement repose sur un motif disciplinaire ou économique pour tenir compte des règles spécifiques applicables.
    Enfin, les tribunaux n’ont pas encore eu à se prononcer sur la question de savoir si le salarié qui viendrait à contester la rupture non motivée de son contrat de travail avant l’échéance de deux ans ne pourra pas bénéficier, en plus des dommages intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité de rupture spécifique prévue pour le CNE…
    CA Paris 18 ème ch. 6 juillet 2007 n° 06-06992

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